Par Oxymore
Crédit image : Zhengtao Tang via Unsplash
Le premier et seul poisson que j’ai eu dans ma vie s’appelait Arc-En-Ciel. En y repensant, je me disais que je l’avais nommé comme ça pour des raisons assez évidentes, ils avaient des écailles de toutes les couleurs, mais en repensant vraiment bien, je me suis rappelé d’un personnage de ma jeunesse. Un livre que je lisais tellement souvent avant de m’endormir le soir, ou plutôt, qu’on me lisait : Arc-En-Ciel, le plus beau poisson de l’océan.
Je me revois courir dans les rangées vitrées de l’animalerie à la recherche du poisson parfait. Presque comme si j’étais aimantée à lui, même inconsciemment. On lui a acheté un aquarium. Quand j’y pense aujourd’hui, tout ce que je peux me souvenir, c’est à quel point il était petit, l’aquarium. Et des heures que je passais à regarder Arc-En-Ciel et à sentir un pincement que je ne comprenais pas encore. Et de l’envie que j’avais qu’il soit bien. Que rien de mal ne lui arrive. Sans réaliser que c’était moi, du haut de mes huit ans, le mal pour lui. Que le pot de nourriture que je tenais en haut du minuscule aquarium pour qu’il ne manque de rien était un poison. J’avais huit ans, et j’ai tué mon poisson. Sans le vouloir, bien sûr. Mais quand même.
« Tout ça pour qu’un enfant aille son Nemo. Pour qu’il le regarde tourner en rond dans son minuscule aquarium toute la journée. »
Cette semaine, j’ai pensé à Arc-en-Ciel parce que je parlais à mon copain de ma nouvelle job et de mon devoir d’informer le monde sur les violences présentes dans la société, et il m’a fait part d’un documentaire qu’il avait vu étant jeune. Ça parlait des représentations des animaux dans les films d’animation. De comment Nemo avait presque mis en voie d’extinction une race complète de poisson, celle des poissons clown. Comment même les personnes dans la chaîne pour aller chercher le « Nemo » mouraient presque pour les trouver tellement leurs équipements étaient mauvais et que leurs conditions étaient déplorables. Tout ça pour qu’un enfant aille son Nemo. Pour qu’il le regarde tourner en rond dans son minuscule aquarium toute la journée.
Mais quand on y pense, ce n’est pas le film le problème, au contraire. C’est ce que les gens en ont fait. C’est ce que la société a décidé de créer autour de ce poisson, comme s’il était une célébrité. Parce que le film Nemo veut nous éduquer sur ces mêmes problématiques : sur le poisson dans son aquarium au dentiste qui se sent comme un prisonnier, qui veut retourner dans la mer. Tout était là pour que le message passe. Mais à quelque part, ça a bloqué.
Je pense aux films d’animation japonais du Studio Ghibli, par exemple, où il est rare de voir un animal de cette façon ; en effet, ce sont souvent des petites créatures imaginaires si on pense à Mon voisin Totoro ou Ponyo. Je me demande quel impact ça a eu sur les enfants. S’ils ont eu le même rapport avec les animaux dits exotiques comme c’était d’autres créatures qui les remplaçaient, qui jouait le rôle du petit animal mignon. Parce que dans presque chaque film d’animation de Disney ou Pixar, il y a un animal qui est tout le temps hyper mignon et qui accompagne le protagoniste dans son aventure. Et à quelque part, c’était sûrement pour montrer la relation amicale qu’on devrait avoir avec eux, le respect, l’amour. Mais ce que l’humain en a fait, c’est surtout de les traiter comme des célébrités. De les mettre en cage pour qu’on les voit mieux. Et ce n’est pas aux enfants qu’il faut reprocher cette envie de les voir en vrai, ni aux films de les montrer. Ce sont les gens le problème. Ceux qui se servent de cette porte entrouverte et qui l’ouvre encore plus.
Quand je repense à Arc-en-Ciel, je trouve ça triste de réaliser qu’il a été là pour mon plaisir à moi, pour une journée complète seulement. Une journée après laquelle j’ai pleuré parce que je l’avais perdu. Et je pense que c’est juste un exemple pour un problème plus gros. Une roue qu’il faut briser en allant à la base du problème. En changeant comment sont vus les animaux, dès le jeune âge, ou en éduquant sur leur rapport à nous. En pensant à comment il faut, oui la briser cette roue, mais tout en faisant attention de ne pas s’y accrocher et suivre le mouvement nous aussi.
Cette chronique donne l’opinion de l’auteure et ne reflète pas nécessairement les idées de l’organisme ni ne l’engage à adhérer à tous les propos.